Tribune : Qu’attendre de la visite du président Félix Tshisekedi en France ? (Par Éric Kamba, coordinateur de CADA)

Dimanche 28 avril 2024 - 18:54
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Le président congolais Félix Tshisekedi entame ce lundi 29 avril une visite officielle de deux jours en France. Il rend ainsi la pareille à son homologue français Emmanuel Macron après son passage à Kinshasa au mois de mars 2023 dans le cadre d’une tournée en Afrique centrale. 

Qu’attendre de cette visite alors que la RDC ne se cache pas de dénoncer la nonchalance de la communauté internationale, la France comprise, face à l’agression avérée du Congo par le Rwanda qui opère par le M23 interposé avec ce que cela génère comme conséquences néfastes pour le pays et ses populations?

Avec au programme une cérémonie aux Invalides, des rencontres avec les autorités politiques françaises à l’Elysée, à l’Assemblée nationale et au Sénat, un forum économique suivi d’une rencontre avec la diaspora congolaise, le séjour français du président Félix Tshisekedi ne sera pas de tout repos. 

Au-delà du renforcement de la relation privilégiée entre la France et la RDC qui semble battre de l’aile au point que cette dernière a boycotté la célébration de la journée internationale de la Francophonie le 20 mars dernier, la grande question qui sera, sans conteste,  au menu des discussions lundi avec des députés et sénateurs français, puis mardi avec le président français, c’est celle de la guerre à l’Est de la RDC où le M23 bénéficie du soutien avéré de l’armée rwandaise, dont les éléments opèrent sur le territoire congolais. Cela eu égard à la nonchalance de la communauté internationale, la France entendue, qui cautionne ainsi la violation des principes consacrés par la Charte des Nations unies.

Attention à l’effet esthétique

Le plaidoyer de la RDC par son président provoquera-t-il un effet esthétique dans le chef des plus hautes autorités françaises à même de changer leur perception de la chose, elles qui cherchent à normaliser les relations entre Kigali et Paris entachées par la lourde responsabilité de ce dernier dans le génocide de 1994 ? Après avoir reçu le président rwandais Paul Kagame le 23 avril dernier, le président Macron en a appelé au dialogue entre les présidents rwandais et congolais, dialogue que ce dernier conditionne au retrait préalable des troupes rwandaises du territoire congolais.

Dans ces conditions, le président Félix Tshisekedi pourra-t-il réussir à pousser son homologue français à faire sanctionner le Rwanda à l’ONU ? Difficile à dire quand l’on sait que Paris, qui perd de plus en plus du terrain en Afrique subsaharienne, utilise Kigali pour protéger ses intérêts ailleurs comme au Mozambique. Aussi, il le soutient dans le cadre de l’accord portant sur les minerais critiques et stratégiques signé tout récemment avec l’Union européenne.

Quid de la Francophonie

A cette question cruciale de la guerre va s’ajouter aussi celle non moins importante de la Francophonie pour laquelle la RDC, deuxième pays francophone du monde après la France, ne semble plus avoir le cœur à l’ouvrage. Après avoir organisé à Kinshasa avec brio les IXèmes Jeux de la Francophonie en août 2023, elle a, sans coup férir, boycotté sept mois après la Journée internationale de cette communauté. A la base : l’absence de prises de positions tranchées de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) que dirige paradoxalement la Rwandaise Louise Mushikiwabo, ressortissante d’un pays désormais anglophone, sur le conflit à l’Est de la RDC, également un point d’achoppement entre Paris et Kinshasa.
Rien n’indique que Paris, qui compte sur le dialogue au haut sommet entre les deux pays, va se départir de son équilibrisme quant au conflit qui les oppose. Néanmoins, il pourrait faire des petits pas dans le sens d’appeler pour la énième fois à l’inviolabilité du territoire congolais et au retrait des soldats rwandais de celui-ci. Le président Tshisekedi va-t-il se satisfaire des petits pas que pourraient faire Paris, à défaut d’une clarification claire sur ce sujet ou l’essentiel pour lui consisterait à faire savoir aux autorités françaises la voie que compte emprunter son pays.

Du business au menu

Le volet économique va aussi marquer cette visite. Le président Félix Tshisekedi compte à cet effet séduire les investisseurs français en leur présentant une fois les potentialités de son pays qui se veut solution en moment de transition énergétique. Telle est la raison de la tenue du Forum business France-RDC pour lequel les patronats français et congolais seront à l’honneur ce lundi au Ministère de l’Economie et des Finances à Bercy. Beaucoup de secteurs seront passés au peigne-fin : les mines, l’énergie, le transport ferroviaire, l’agriculture, etc. Il sera aussi question de faire le suivi de l’après Forum business tenu à Kinshasa en mars 2023. Cependant, le constat est tel que les investisseurs français ne se bousculent pas jusque-là au Congo. Pis encore, le président de la multinationale française Total n’avait pas trouvé opportun autrefois de soumissionner pour les blocs pétroliers et gaziers en RDC. Il va de soi que la présence du président Félix Tshisekedi sur le sol français sera une occasion pour passer en revue la situation et trouver la voie idoine en vue de relancer la relation privilégiée France-RDC sur fond de gagnant-gagnant.

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