RDC : L’arbitrage dans le championnat d’élite (LINAFOOT), un frein au développement du football Congolais (Tribune)

Jeudi 2 janvier 2020 - 15:09
Image
7sur7

Le géologue minier et chercheur Congolais Julien Mapenzi a, dans une tribune transmise ce jeudi 2 septembre 2020 à la Rédaction de 7SUR7.CD, fustigé l'arbitrage au niveau du championnat national de footoball.

Pour ce dernier, le mauvais arbitrage observé en championnat national est un frein pour le développement du football Congolais. 

Comme solution à cette problématique, Julien Mapenzi propose la formation (recyclage) des arbitres.

(Ci-dessous l'intégralité de la Tribune

1.    INTRODUCTION
Le football est le sport le plus populaire en République Démocratique du Congo. Il se joue dans toutes les provinces et à tous les niveaux. Les lois du jeu sont identiques pour tous qu’il s’agisse du championnat d’élite ou d’un match entre les enfants dans un village retiré.

Selon la philosophie et l’esprit des lois du jeu, l’intégrité de lois du jeu et des arbitres qui les appliquent doit toujours être protégée et respectée. Les personnes d’autorité, et en particulier les entraineurs et les capitaines d’équipe, ont une responsabilité claire envers le football : celle de respecter les arbitres et leurs décisions.
Les lois du jeu ne peuvent pas envisager toutes les situations possibles et imaginables, donc lorsque les lois du jeu ne prévoient pas un cas de figure, l’arbitre prend une décision dans l’esprit du jeu. Malheureusement dans le football Congolais c’est de l’amalgame. Parfois on ne sait pas qui est qui ? Qui doit faire quoi ? Qui est arbitre, qui ne l’est pas ? Pourquoi les lois du jeu ne sont pas appliquées selon la philosophie et l’esprit du jeu ?
En République Démocratique du Congo, les championnats d’élite (Division I et II) sont organisés par la ligue nationale de football (LINAFOOT). Les responsables de cette ligue proviennent d’une manière ou d’une autre des équipes appartenant à ce même championnat. Chaque membre a donc une tendance quelconque. Au sein de cette ligue, il ya une commission des arbitres, c’est elle qui gère les arbitres. 

D’habitude après chaque match du championnat d’élites, il ya toujours des lamentations de part et d’autres. Les arbitres se plaignent du mauvais traitement, les clubs se plaignent du mauvais arbitrage et tout ceci dure déjà et aucun changement n’est pressenti. Cette situation crée une cacophonie au sein de l’opinion sportive Congolais.
Cette imbroglio nous a poussé à mener une enquête, afin de trouver quelles sont les vraies causes de ces prestations lamentables des arbitres d’élites Congolais, tout en sachant que l’arbitre est le seul maitre du terrain, et que le comportement de ce dernier peut avoir des conséquences positives ou négatives sur l’issue d’un match.
Notre enquête nous a permis de dégager les responsabilités à différents niveaux : les responsabilités des organisateurs des différents championnats, celles des clubs, celles des arbitres, celles des supporters, celles de la presse sportive ainsi que celle de l’état Congolais. Et enfin elle nous a permis à aboutir à des recommandations.

2.    METHODOLOGIE ET REFERENCE

a.    Méthodologie
Pour atteindre les objectifs visés, ce travail d’étude sur les causes de prestations lamentables des arbitres d’élites Congolais, a été effectué grâce à la démarche méthodologique consistant en la consultation des documents divers sur le sujet, aux investigations et suivi des diverses compétitions au niveau national et local.
A coté de ces démarches préalables, nous avons aussi fait recours à la méthode comparative.

b.    Notes de Références

-    Les lois du Jeu, 2019/2020
-    Règlements Généraux sportives (RGS)
-    Archives de la LIFSKI, LIFNOKI, LIFMAN, LIFKIN et LINAFOOT
-    Les résultats de nos enquêtes.

3.    RESPONSABILITE DES ORGANISATEURS

Les organisateurs sont les premiers répondants de tout ce qui peut arriver à l’issue d’une rencontre sportive. Ce sont eux qui organisent et gèrent les différentes compétitions, ils décident qui sont les clubs qui doivent participer à la compétition, ils désignent les arbitres qui doivent prester pour chaque match, et décident quels sont les différents stades qui doivent abriter leurs matchs.
Les organisateurs en questions ici sont, la fédération congolaise du football Association (FECOFA) et la ligue nationale du football (Linafoot) ainsi que les différentes ligues provinciales.
Après notre enquête, nous avons dégagé les responsabilités des organisateurs dans les mauvaises prestations des arbitres à deux niveaux : au niveau de la formation (recyclage) et au niveau de l’encadrement (traitement) des arbitres.

a.    La formation (recyclage) des arbitres
La clé d’un développement durable dans toutes les disciplines, c’est une formation de qualité et continue. Mais en République Démocratique du Congo, les responsables du football prennent cette activité à la légère.
Depuis un certain temps, chaque année un séminaire de remise à niveau des arbitres d’élites du pays est organisé par la fédération congolaise du football Association (FECOFA), à l’issue du quel, sont sélectionnés les arbitres éligibles à prester au cours de la saison en cours. Ce séminaire est couplé à un test médical, un test physique, un test technique et un test théorique sur les lois du jeu.
A ce niveau plusieurs problèmes majeurs se posent :

-    La Fédération Congolaise de football Association (FECOFA) organise le séminaire, sélectionne les arbitres éligibles en fonction de leurs résultats aux différents tests. Malheureusement par la suite les listes des arbitres éligibles sont envoyées à la Ligue nationale de Football (LINAFOOT) pour exploitation. C’est là que tout bâcle, la LINAFOOT commence à utiliser les arbitres non pas sur base de leurs mérites ou de leurs résultats aux différents tests mais en tenant compte d’autre paramètre jusque là inconnu du grand publique. Certains arbitres peuvent par la même occasion joués 10 à 20 matchs au cours d’une même saison, d’autres 2 à 4 matchs, et parfois d’autres, zéro match.

-    L’arbitre est le maitre du terrain, sa mission principale est l’application des lois du jeu sur le terrain. Pour ce fait, il doit avoir un minimum de bagage intellectuel afin d’être en mesure d’interpréter les 17 lois du jeu. Malheureusement, en République Démocratique du Congo, la condition sine qua none pour prester au championnat d’élite est de réussir au test physique (test Copper). Le test théorique sur les lois du jeu, le test technique et le test médical viennent au second plan. Vous pouvez échouer à tous ces tests mais si vous parvenez à réussir au test physique ipso facto vous êtes déclaré apte à prester pour la saison en cours. Pourtant le football est régi par des lois, que l’arbitre est sensé maitriser et être en mesure d’interpréter. D’où, l’importance du test théorique.

-    Les séminaires de remise à niveau des arbitres d’élites de la Fédération sont organisés par site. Et c’est là qu’il ya une injustice. Pour la saison 2019/2020 par exemple, A Kinshasa, le séminaire regroupait les arbitres venant de la partie Ouest du pays. Là, la participation au séminaire était gratuite. A Kisangani, le séminaire regroupait les arbitres de la partie centre et Nord Est du pays, le frais de participation au séminaire était fixé après des longues tractations à 30 dollars américains, les arbitres ont par la suite pris en charge eux même leurs transports et séjours à Kisangani.

 A Goma, le séminaire regroupait les arbitres de la partie Est du pays, le frais de participation au séminaire était fixé à 100 dollars américain par arbitre, et ces derniers devraient assurer eux même leurs transport et séjours (logement et restauration) à Goma. A Lubumbashi, le séminaire regroupait les arbitres de la partie Sud du pays, le frais de participation au séminaire était fixé à 120 dollars américain et les arbitres venus d’ailleurs devraient prendre en charge leurs transports et leurs séjours à Lubumbashi.
Pour une même fédération, une même ligue, un même championnat les arbitres sont traités différemment sur base des motivations non connues du grand public.

b.    Encadrement (traitement) des arbitres

Un arbitre, c’est un Monsieur. 
Ce slogan est répété par les organisateurs avant chaque coup d’envoie d’un match afin de flatter les arbitres. Pourtant après le match, le discours change. L’arbitre est ignoré par tout le monde.
D’habitude, la prime d’un arbitre dans le championnat d’élite en République Démocratique du Congo est estimée à 150 dollars américains par match. Mais sont rare les arbitres qui atteignent 30 dollars américain, à l’issue d’un match. Après chaque match, les recettes sont partagées entre les organisateurs, les clubs et les gestionnaires des stades. Et ce sont à la fin les miettes qui sont jetés aux arbitres, parfois certains arbitres manquent même le transport pour retourner à la maison, pourtant un arbitre est un élément indispensable pour qu’un match se joue.
Dans d’autre pays, la FIFA via les différentes fédérations dote les arbitres des équipements nécessaires, malheureusement en République Démocratique du Congo, les pauvres arbitres sont obligés de se payer eux même leurs équipements.  

4.    RESPONSABILITES DES CLUBS

Les dirigeants des clubs ainsi que des joueurs jouent un rôle très important dans la méforme des arbitres d’élites en République Démocratique du Congo.
Le dénominateur commun dans un match de football, c’est les lois du jeu. Le match doit se jouer conformément à la philosophie et l’esprit des lois du jeu. Ainsi donc, tous les partenaires (organisateurs, club, supporters et les arbitres) doivent avoir les mêmes informations sur les lois du jeu. Avant le début de chaque saison footballistique, les entités organisent des séminaires (recyclages), regroupant les officiels des clubs, les représentants des joueurs, les organisateurs ainsi que des arbitres afin d’harmoniser leurs points de vue sur les nouvelles modifications des lois du jeu. Mais très souvent seuls les arbitres sont présents, les clubs trouvent toujours des motifs pour justifier leurs absences et tout ceci sans aucune sanction prise par les dirigeant en leurs encontre.
Dans d’autres pays, chaque club doit avoir un arbitre appartenant au club. Ce dernier est chargé de rappeler chaque jour, les joueurs les 17 lois du jeu dans le souci d’uniformiser leurs connaissances avec celles des officiels du match (arbitres). Mais en République Démocratique du Congo, cette pratique n’est pas encore d’actualité. Pourtant ça permettrait aux joueurs dans une rencontre de comprendre les actes et les décisions des arbitres.

Dans le championnat d’élites Congolais, la force d’un club n’est pas définie par la qualité de ses joueurs mais par ses moyes financières. C'est-à-dire sa capacité à s’imposer financièrement au bon moment. Ainsi donc ces clubs, sont disposer à mettre en jeu une fortune pour soudoyer les arbitres et s’ils parviennent malgré tout à perdre sur le terrain, ils se servent toujours des leurs capacités financières pour soudoyer les organisateurs et c’est là qu’on assiste à des forfaits non justifiés. 
Certains clubs, ne supporte pas de perdre un match lorsqu’ils jouent à domicile et lorsque le match est officié par les arbitres locaux. Pour eux, la priorité des arbitres locaux doit d’abord être de favoriser le club local. C’est qui rend toujours la tache des arbitres difficile, étant donné que dans tout le cas aucune sécurité n’est garantie.

5.    RESPONSABILITE DES L’ETAT CONGOLAIS
Bien que les championnats nationaux ne sont pas directement gérés par l’Etat Congolais, mais ce dernier a le devoir de faire le suivi du comportement des différents acteurs qui interviennent dans ce dernier.
Compte tenu des difficultés financières régulières auxquelles font face la FECOFA et la LINAFOOT, au niveau de l’encadrement et l’instruction des arbitres, l’Etat Congolais devrait de temps en temps intervenir financièrement, ce qui n’est pas le cas.
La plupart des séminaires de haut niveau de remise à niveau des arbitres est organisée à Kinshasa. Plusieurs arbitres de l’intérieur sont toujours absents compte tenu du coup élevé lié à leurs prises en charge (transport, séjours, etc.). Dans ce cas, l’Etat Congolais devrait prendre conscience de ses responsabilités vis-à-vis du développement de ses arbitres en prenant en charge soit le transport et le séjour des arbitres qui viennent de l’intérieur du pays.  

6.    LA PRESSE

La République Démocratique du Congo, dispose des centaines des maisons de presse. Ces maisons ont des journalistes sportifs pour animer leurs émissions sportives. Mais ce qui est alarmant ce que sur cette centaine des maisons des presses seules une dizaine dispose des vrais journalistes sportifs (compte tenu de leurs formations professionnelles), qui comprennent vraiment le football dans sa philosophie et dans son esprit.

Certains charlatans, parfois qui n’ont aucune notion sur les lois du jeu se mettent à remettre en cause certaines décisions des officielles sans aucun fondement. Sans pour autant tenir compte de l’influence que leurs chaines respectives ont sur les supporters, ce qui parfois conduit à des violences. 
Les presses sportives ont une grande influence sur les supporters. Ce qui leurs donnent un grand rôle à jouer dans le développement du football Congolais, par exemple en vulgarisant les différentes modifications des lois du jeu. Ce qui n’est pas le cas malheureusement.

7.    RESPONSABILITES DES SUPPORTERS

Les supporters des clubs Congolais ont tous une particularité, ils veulent à tout prix que leurs clubs remportent la victoire. Peu importe la manière. Ainsi, ils obligent parfois leurs dirigeants à mettre tous les moyens nécessaires en jeu (corrompre les arbitres, recours aux fétiches, etc.). Ce comportement les laisse peu de temps à s’intéresser aux lois du jeu et à se mettre au même niveau de connaissance que d’autres acteurs du football (arbitres, organisateurs, etc.), ce qui parfois conduit à des violences aux quelles nous faisons face au cours d’une rencontre sportive.
Très souvent lorsqu’un club Congolais évolue à domicile, et que les officiels de cette rencontre sont des arbitres locaux, les supporters ne comprennent pas que c’est possible qu’ils perdent cette rencontre, ils essaient d’influencer les décisions des officiels par des menaces ou autres choses, ce qui parfois à un impact sur l’esprit de partialité de certains arbitres.

8.    RESPONSABILITES DES ARBITRES

Dans le monde d’arbitrage Congolais, un terme est toujours d’actualité.

‘’WATER’’ (littéralement signifie l’eau, mais ce terme se réfère à l’argent de corruption réservé par les clubs aux arbitres avant une rencontre sportive).

Une fois que les désignations des arbitres sont rendues publiques, les officielles des équipes concernées ainsi que des arbitres concernés commencent à se fixer des rendez-vous. Parfois c’est une équipe qui disponibilise le WATER pour les arbitres parfois c’est toutes les deux équipes et toujours c’est suivant un réseau bien organisé. Ce comportement fragilise le sens de partialité de l’arbitre étant donné qu’il a déjà une dette morale envers tel ou tel autre club.

Lorsqu’un arbitre est désigné pour un match, étant donné qu’il n’est pas sûr de recevoir sa prime normale comme convenu, toute son attention est focalisé sur le ‘’WATER’’, et s’il n’obtient rien dès le départ il est déstabilisé psychologiquement avec toutes les conséquences y afférent. 

Certains arbitres ont déjà le répertoire des clubs capable de mettre en jeu un ‘’WATER’’ significatif, ainsi donc ces derniers utilisent tous les moyens en jeu afin qu’ils soient désignés pour les différentes rencontres des ces clubs, ce qui justifie, la répétition des certains noms des arbitres pour certains matchs. Les arbitres ne s’entrainent que pour préparer le test. Une fois le test terminé, eux aussi disent adieu aux entrainements, pourtant le métier d’arbitrage exige une forme physique régulière. D’autre part Il existe des arbitres d’élites qui n’ont jamais vu les lois du jeu. Pourtant chaque année il ya des modifications qui sont sensé être connues par tous les acteurs du monde footballistique. Tout ceci a un impact sur leurs performances.

9.    CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

En définitif, nous pouvons affirmer que le football est une source importante des revenus en République Démocratique du Congo, mais que l’état Congolais ainsi que les responsables directes de cette discipline (FECOFA et LINAFOOT) ne doivent ménager aucun effort, en prenant en mains ses responsabilités chacun en ce qui lui concerne dans le souci d’y mettre de l’ordre.

Nous avons évoqué, les diverses causes des mauvaises performances des arbitres d’élites de la fédération Congolaise du football Association, en dégageant les responsabilités des chaque acteur qui intervient dans ce secteur.

Afin de revaloriser le football Congolais et compte tenu du rôle que l’arbitre à dans ce processus, notre enquête nous a conduit à des recommandations ci-après :

-    Que la formation et le recyclage des arbitres soit une priorité pour la FECOFA et la LINAFOOT. Pour ce fait, ces derniers doivent trouver un compromis sur la commission qui doit gérer les arbitres, si c’est la commission de la LINAFOOT, c’est elle alors qui doit se charger, et de la formation des arbitres et de leurs utilisations. Bref, supprimer les deux commissions parallèles des arbitres, pour ne rester qu’avec une seule ;

-    Organiser le test physique des arbitres d’élite au moins deux fois au cours d’une même saison, ce qui boostera les arbitres à s’entrainer régulièrement et à rester au point physiquement durant toute la saison ;

-    Lors des recyclages des arbitres, que tous soient considérés de la même façon, ceux de Kinshasa comme ceux de l’intérieur du pays afin d’éviter certaines frustrations. Si pour participer aux séminaires de remises à niveau il faut payer, que cette condition concerne tous les arbitres sans exceptions. Dans le cas échéant, que la fédération procède à des actions de lobbying afin de trouver des partenaires capables de prendre en charge les frais liés au transport et au séjour des arbitres venus de l’intérieur du pays, pour que le recyclage soit organisé au même moment et pour tous le monde à Kinshasa ;

-    Que la ligue nationale du football, respecte ses engagements vis-à-vis de l’encadrement des officiels des matches (transport, séjour, prime, etc.) et prennent conscience que c’est une priorité étant donné que l’issue d’un match peut être affecté par l’humeur d’un l’arbitre ;

-    Que la fédération met en place des stratégies urgentes afin de vulgariser les lois du jeu auprès des clubs et des supporters ;

-    Que les ligues en complicité avec l’état congolais régulent l’exercice de la profession du journalisme sportif. 

Tribune de Julien Mapenzi, géologue minier et chercheur