Badibanga dénonce l’illégalité de l’opération de fiabilisation du fichier électoral

Mercredi 10 juin 2015 - 09:28

«Le projet de loi portant répartition des sièges est totalement corrompu par le fichier électoral». C’est la conclusion à laquelle est parvenu le Groupe parlementaire UDPS et Alliés. C’était par la bouche de son prési¬dent Samy Badibanga qui s’est exprimé lors de la plénière du jeudi 5 juin 2015. Dans sa déclara¬tion, il a indiqué qu’on ne saurait procéder à la critique de la répar¬tition des sièges sans analyser au préalable le fichier électoral qui fonde sa matière. Présentant son canevas, il relève le caractère illégale de l’opération dite de fiabi-lisation du fichier élec¬toral ; le caractère cor¬rompu du fichier électoral qui, selon lui, biaise la répartition des sièges ; l’utilisation des deux fichiers électoraux pour les scrutins organisés le même jour.

Intervenant à la tribune de l’Assemblée nationale, Samy BadibangaNtita a, au nom de son groupe parlementaire, souligné le «caractère illégal de l’opération dite de fiabili¬sation du fichier électoral». Et pour cause : «telle quali¬fication n’est pas conforme à la règlementation en vigueur, loi n°04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs en RDC spécialement dans son article 38 qui dispose : à tout moment et dans le délai, les listes électorales peuvent être mises à jour en vue de constituer le fichier électoral dans les cas ci-après : un citoyen à inscrire a atteint la majorité électorale ; un citoyen a recouvert le droit électoral par la perte de la qualité et du statut qui avait empêché son enrôlement ; un citoyen inscrit est déplacé, muté, malade ou décédé».

Stratagème

Continuant sur sa lancée, Samy Badibanga ajoute : «d’autre part, l’article 31 précise que les témoins sur¬veillent toutes les opérations. Ils surveillent la fiabilité des programmes des ordina¬teurs. Ils ont le droit d’exiger la consignation de toute ob¬servation au procès-verbal, avant que celui-ci ne soit placé sous pli scellé». Pour Samy Badibanga, l’article 38 susvisé précise même la nature de l’opération et les différents cas de devant faire partie de cette activité de la mise à jour du fichier électoral. «Bien plus, dans l’article 2.3 de la loi précitée, le législateur congolais a dé¬fini ce qu’il entend par mise à jour des listes électorales. Dans sa définition, il ressort l’expression Révision du fich¬ier électoral en ces termes : mise à jour des listes élec¬torales : l’opération de révi¬sion des listes électorales», argue le leader du premier groupe parlementaire de l’opposition.

Qui voit dans l’emploi de l’expression «fiabilisation du fichier électoral» un strat¬agème destiné à éviter la mise à jour du fichier élector¬al qui, elle, exige forcément l’enrôlement des nouveaux conformément à l’article 38 de la loi portant identification et enrôlement des électeurs. Samy Badibanga insiste sur le fait que le terme de fiabili¬sation du fichier électoral est une invention de la CENI qui n’est prévu nulle part dans la loi.

Répartition des sièges bi¬aisée

Dans un deuxième temps, l’élu de Kinshasa/Mont-Am¬ba évoque ce qu’il qualifie de caractère corrompu du fichier biaisant la répartition des sièges. Ici, il relève que le fichier dit fiabilisé en 2014- 2015, base de référence dans le calcul pour le pro¬jet de répartition des sièges est largement corrompu. «Le projet de loi présenté présente 63 groupements sans électeurs et d’autres avec un seul électeur, pré¬sumé donc n’être constitué que de son chef, alors que l’entité groupement, selon la loi n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivi¬sions territoriales à l’intérieur des provinces, stipule qu’un groupement est toute com¬munauté traditionnelle or¬ganisée sur base de la coutume et érigée en circon-scription administrative sous l’autorité d’un chef désigné selon la coutume , reconnu par le pouvoir public. Il est subdivisé en villages. Donc, le groupement est composé d’un certain nombre de vil¬lages réellement habités par une population réputée élec¬trice», ajoute M. Badibanga. Qui aborde également la question des communes à très peu d’électeurs. Il cite, à titre d’exemple, le cas de la commune de Ndu dans la province de Bas-Uele, avec seulement 16 électeurs, alors que la loi précitée ne confère le statut de commune qu’à une agglomération à une entité disposant d’au moins 20.000 habitants.

Hors circuit normal

Le Groupe UDPS et Alliés cite aussi la désorientation des électeurs du fait de la relocalisation automatique avant et après la fiabilisa¬tion, la non-homogénéité des enregistrements dans le fichier électoral, l’intégration dans le fichier électoral des électeurs fictifs ou des béné¬ficiaires des cartes d’électeur produites hors circuit normal ainsi que la baisse du nom¬bre total d’électeurs après fiabilisation. Sur ce dernier point, précise-t-il, l’opération de la fiabilisation s’était as¬signé comme objectif entre autres la récupération d’un maximum d’électeurs dits «omis» estimés à 3.262.725, soit 17,98% sur un to¬tal de 18.911.572 votants. «Ceci suppose, normale¬ment, l’augmentation du nombre initial d’électeurs. Mais à notre étonnement, on observe une dimunition du nombre d’électeurs de 32.024.640 à 30.682.599. Comment expliquer ce para¬doxe ?», s’interroge Samy Badibanga. Qui cite, à titre illustratif, quelques cas des territoires qui vont ainsi per-dre des électeurs : Kamonia (Lomani, 60.000 électeurs de moins), Idiofa (Kwilu, 60.000), Kabongo (Haut Lo¬mami, 50.000), Lisala (Mon¬gala, 40.000).
Au total, quatre territoires perdent plus de 200.000 électeurs. «En aucune fa¬çon, nulle commission de l’Assemblée nationale ne peut corriger ces chiffres. Cette situation nécessite forcément le retour du projet au ministère de l’Intérieur», lance Samy Badibanga.

Eviter une violation des libertés

Le chef de l’opposition par¬lementaire dénonce égale¬ment la «duplicité du fichier électoral», qui va faire en sorte que la RDC va se re¬trouver avec deux fichiers électoraux différents et cor¬rompus pour la réparti¬tion des sièges des scrutins devant se tenir le même jour !
Comme solution devant au¬tant d’irrégularités, Samy Badibangaplaide pour un au¬dit inclusif du fichier électoral qui implique la participation active de toutes les par¬ties prenantes au processus électoral en RDC pour justi¬fier les chiffres avancés par le gouvernement. Il met en garde contre toute tentative d’un passage en force mal¬gré toutes ces irrégularités, et promet de saisir la Cour constitutionnelle avant la promulgation de cette loi si jamais elle était adoptée. «Nous avons déjà apprêté le dossier qui permettrait à la Cour constitutionnelle de se pencher et se prononcer sur cette question en vue d’éviter qu’il ne se commette une vi¬olation des libertés et droits fondamentaux des citoyens en matière de participation à la direction des affaires pub¬liques», conclut le leader du groupe UDPS et Alliés.

MATTHIEU KEPA