DIALOGUE : KABILA ET TSHISEKEDI APPELÉS À S’ACCORDER SUR L’ESSENTIEL

Mercredi 10 juin 2015 - 06:20

Pour ce faire, les acteurs clés de la Majorité, de l’Opposition et de la Société civile sont invités à dépasser les querelles de forme.
Les partis politiques de l’Opposition radicale prendront-ils part ou pas au dialogue politique national ? Voilà la question qui préoccupe l’opinion tant nationale qu’internationale au moment où le débat sur la tenue de ce forum national bat son plein. Car, ces formations politiques ne semblent pas du tout disposées à répondre à l’invitation de Joseph Kabila, à travers les consultations qui ont commencé il y a quelques jours. Pourtant, à elles seules, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le Mouvement de libération du Congo (MLC) et l’Union pour la Nation congolaise (UNC) représentent les poids lourds de l’Opposition en RDC. On ne pourrait donc pas comprendre que ce trio soit absent d’un dialogue qu’il réclamait et qui le concerne d’ailleurs au plus haut point dans la perspective de la tenue de prochaines élections.
En dehors des forces de la Société civile, qui devraient s’interposer entre les forces politiques de la Majorité et de l’Opposition, le dialogue qui s’annonce est éminemment politique. Car, visiblement, comme au bon vieux temps, la classe politique se situe dans une bipolarisation qui ne tolère que deux camps : la Majorité, avec en tête Joseph Kabila au nom du pouvoir, et l’Opposition conduite par le leader de l’UDPS, Etienne Tshisekedi.
Tout le reste, quel qu’en soit le décor, gravite simplement autour de cet axe. En un mot comme en mille, la situation actuelle met principalement en exergue deux personnalités politiques. Une fois que ces deux grands acteurs se mettent d’accord et associent leurs pairs, les choses peuvent aller plus vite qu’on le croit. Comme à l’époque de l’ancienne transition où tout se jouait entre Mobutu et Tshisekedi.

SAUVER LA RDC D’UN POSSIBLE CHAOS
Deux camps politiques s’affrontent en RDC : la Majorité et l’Opposition. Si, pour le premier camp, tout tourne autour du président Joseph Kabila en qualité d’Autorité morale, de l’autre côté, c’est incontestablement Etienne Tshisekedi parce qu’il incarne l’Opposition, non seulement en tant que le plus vieux dans la lutte et en âge, mais aussi parce que son parti politique, l’UDPS, justifie d’un ancrage sociologique indéniable. En plus ce parti détient le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale.
Voilà donc qui place en première position, Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi. Logiquement, ce sont ces deux personnalités incontournables qui devraient accorder leurs violons autour du dialogue national. Même si, comme tout le monde le sait, les cahiers de charges ne sont pas les mêmes. Raison de plus pour aller au dialogue pour en discuter vraiment et s’accorder sur l’essentiel.
Car, après les élections de 2006 et 2011, le Congo-Kinshasa demeure encore fragile en sa qualité de pays post conflit. Or, si rien n’est fait, il y aura encore des tensions post électorales d’autant que c’est le dernier mandat du chef de l’Etat et la crainte du vide qui ne serait pas une bonne chose pour la RDC avec une armée en construction.
C’est là que l’urgence commande que les acteurs clés tant du pouvoir, de l’Opposition que de la Société civile se parlent et s’accordent sur l’essentiel. Avec, d’une part, Joseph Kabila qui incarne les institutions en ce compris et l’armée et, d’autre part, Etienne Tshisekedi qui incarne une bonne frange de l’opinion à travers un compromis historique. Sans ce compromis, si on ne dépasse pas les querelles de forme pour aller droit à l’essentiel, les uns et les autres risquent de perdre une bonne occasion de sauver la RDC d’un possible chaos.

LA POLITIQUE DE LA CHAISE VIDE NE PAIE PAS
Du côté de l’Opposition, il ne serait pas du tout responsable de se perdre dans des querelles de forme au point de rejeter le dialogue. Qu’il s’agisse d’une initiative du chef de l’Etat comme l’a déclaré le ministre Lambert Mende ou d’un engagement au sein de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, le dialogue demeure une occasion pour la Majorité et l’Opposition de trouver un modus vivendi afin d’échanger sur l’avenir du pays.
C’est d’ailleurs là que des sujets comme la modification du calendrier électoral, des élections prioritaires, l’enrôlement de nouveaux majeurs, le respect de la Constitution, le découpage territorial tout comme le financement des élections, doivent être abordés afin de garantir la tenue des élections apaisées. Le problème n’est pas de savoir qui sera le médiateur, mais de poser de vrais problèmes et de trouver de bonnes solutions.
Opter pour la politique de la chaise vide ne semble pas être une bonne option. Cela, contrairement à ce que l’on croit, pourra d’une manière ou d’une autre contribuer également à conduire la RD Congo au glissement tant redouté par l’Opposition. Car, s’il n’y a pas de financement pour les élections et en cas de désaccord entre la Majorité et l’Opposition, l’exécution du calendrier global publié par l CENI (Commission électorale nationale indépendante) pourrait aussi conduire le pays vers des lendemains incertains.
En ce moment là, la responsabilité n’incombera pas seulement à la Majorité comme on le pense, mais également à l’Opposition. Les opposants auront la possibilité, au cas où les options levées au sein du dialogue leur sembleraient s’écarter de la bonne voie, de suspendre leur participation jusqu’à ce que tout baigne dans l’huile.

PAS D’ATERMOIEMENTS, NI DE TERGIVERSATIONS
Chacun ayant son cahier de charges ou son mémorandum, les acteurs clés devraient éviter de verser dans la politique d’atermoiements ou de tergiversations pour aller droit au dialogue sans perdre de temps. Même si, jusque-là, Etienne Tshisekedi n’est pas encore de retour dans son pays. Mais, bien entendu, comme on l’a déjà fait à plusieurs reprises, on annonce son retour dans quelques jours.
Plaise au ciel qu’il rentre effectivement à Kinshasa pour prendre part aux travaux du dialogue et conduire les troupes de l’Opposition. Surtout là où le MLC cher à Jean-Pierre Bemba, sous la conduite d’Eve Bazaïba, et Vital Kamerhe et son UNC semblent toujours hésiter pour répondre à l’invitation de Joseph Kabila jusqu’à menacer de ne pas prendre part au dialogue si ce forum ne se tient pas sous l’égide des Nations unies au nom de l’Accord-cadre.
Plus on tergiverse, plus le temps passe. De sorte que ce qui pouvait être fait dans le meilleur délai risque de prendre énormément de temps au point qu’on ne se réveille finalement qu’en dernière minute. Comme d’habitude. Or, il est bien possible de mettre le cap sur l’essentiel afin de baliser la voie vers les prochaines élections. Mais, à l’allure où vont les choses, on peut craindre que les choses n’aillent pas plus vite. Pendant ce temps, Joseph Kabila poursuit ses consultations, quitte à se faire une religion de ce qu’il compte faire. A un moment donné, il sera alors bien obligé de fixer la date du début des travaux du dialogue.
L’Opposition continuera-t-elle à tergiverser pour courir en dernière minute ou finira-t-elle par se rendre à l’évidence pour donner l’impression, à son tour, de chercher à bloquer la procédure ? Mieux vaut tard que jamais, conseille-t-on. M. M.