RDC: Se définissant comme « Gardien intellectuel de la République », Kabasu Babu exige un audit de la présidence de la République (lettre ouverte)

Lundi 21 septembre 2020 - 18:02
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Kinshasa, le 15 Septembre 2020

De: Hubert  Kabasu Babu Katulondi 
Citoyen républicain congolais
C/O Medias publicateurs
 
A:

  • Honorable Présidente de l’Assemblée nationale Jeanine Mabunda  
  • Honorable  Président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba  
  • Honorables sénateurs et députés 

 
Objet : L’impératif d’un audit budgétaire-financier de la présidence de la république comme service public et l’évaluation de ses programmes 

 
Chers Compatriotes et Honorables,

 Le projet de la construction républicaine en RDC, que les pères de l’indépendance avaient échoué de réaliser en 1960-1965, subséquemment répudié de 1965 à 1996 par la monarchie absolue zaïroise, a été réalisé au prix d’énormes sacrifices de 1997 à 2018. Il s’agit d’un acquis à capitaliser. C’est un processus qui, dans la dispensation de l’alternance, devait impérativement connaitre une scintillante impulsion méliorative. Et cela en priorité dans «l’institution directionnelle de l’Etat» qui est la Présidence de la République. Celle-ci est censée connaitre un remarquable élan de rationalisation, de modernisation et d’élévation en performance, en phase avec les percées gouvernologiques contemporaines.  

Cependant, contrairement à l’expectative d’une impulsion méliorative et innovatrice, ce service public de l’Etat connait une inquiétante érosion de son caractère républicain techno-rationaliste. La patrimonialisation tribalo-partisane, le népotisme patent et la courtisanerie outrancière, s’y conjuguent avec un personnel vertigineusement pléthorique. Tout cela sur fond d’une hypertrophie structurelle alourdissant et dénaturant l’organe orienteur de la Res Publica.

C’est au niveau de la gestion budgétaire, un instrument essentiel de la bonne gouvernance étatique, que la situation est très dramatique. Déjà au 31 mai 2019, ce service public avait consommé près  de 98 % de son budget de toute l’année, soit FC 132 milliards ($75 millions) sur des crédits budgétaires de FC 143 milliards. Cette transgression de la Loi Financière de l’exercice 2019 s’est quasiment systématisée avec désinvolture en 2020. En effet, au 31 mai 2020 les charges rémunératoires de ce service de l’Etat se sont chiffrées à FC 68 milliards ($36,7 millions) contre les allocations budgétaires de FC 42 milliards sur cette période, soit un dépassement de 161 %.  Il convient d’indiquer que ces rémunérations ont été triplées, des individus engagés, des structures créées, selon une rationalité financière et managériale qui demeurent inconnue par les Congolais (dont les salaires ont entretemps enregistré un dramatique amenuisement dans cette période noire de la Covid-19). Pour le troisième trimestre  de 2020 (juillet-aout-septembre), le dérapage budgétivore s’est accéléré. Ce service public a consommé pour le seul mois de juillet 2020, toutes les allocations trimestrielles, soit FC 34,6 milliards ($17,6 millions) sur les prévisions de FC 30,4 milliards ($16 millions). Finalement, en huit mois, ce service public a ingurgité toutes les allocations budgétaires des rémunérations soit $ 55 millions sur les crédits de $50 millions devant couvrir 12 mois ! Le trésor public devra donc suppléer avec $27,5 millions. En cette matière, la présidence fonctionne comme un électron libre, dans l’opacité totale, sans aucune rédevabilité, comme une véritable cour monarchique. Et la société et les institutions sont toutes tétanisées face à cette gravissime répudiation de la bonne gouvernance. Pourtant, les experts en la matière notent que ce type des dépassements excessifs systématisés de la rubrique budgétaire des rémunérations dans les services publics est symptomatique des détournements généralisés des ressources de la République qui seraient affectées aux fins non autorisées par la Loi Financière de l’Etat.

Par ailleurs, le procès sur le détournement de $57 millions relatifs au programme de 100 jours du président a révélé des dysfonctionnements insolites de ce service public. Mais aucune disposition corrective n’a jamais été implémentée de manière transparente pour assurer les citoyens que des forfaits de ce type ne seront plus savamment orchestrés au niveau de l’institution directrice de l’Etat. Entretemps, la présidence a initié d’autres programmes. Leurs implications budgétaires et leurs transactions financières ne sont jamais établies de manière transparente. A ce jour, leurs indicateurs des performances-impacts sont inconnus par les citoyens et par le Parlement.

A la lumière de cette situation déplorable et inadmissible dans une République Moderne, le Parlement de la République qui est l’autorité budgétaire suprême, et le rempart de la bonne gouvernance (par le contrôle du gouvernement ayant en charge les services publics de l’Etat), a l’obligation d’exiger un audit budgétaire, financier et managérial de ce service public. Il est nécessaire qu’une commission mixte assemblée-sénat soit mise en place à cet effet, pour explorer cette transgression gravissime de la législation budgétaire-financière. L’IGF étant contrôlée par la présidence ne peut donc pas être juge et partie. Il est donc impérieux que la Cour des Comptes soit mise à contribution pour établir l’orthodoxie financière de la présidence comme service public. Le Parlement devrait exiger la réduction des rémunérations excessives  dans ce service public. La validation de ses crédits pour l’exercice 2021 devrait être conditionnée à la réalisation préalable de cet audit. Il est aussi indispensable qu’une évaluation indépendante de l’exécution de tous les programmes de la présidence ainsi que son système managérial soit initiée. L’Etat de Droit ne peut pas être déployé en sens unique.

Il est indispensable que le leadership du Parlement de la République fasse preuve de rigueur et d’innovation en matière de gestion budgétaire de l’Etat et en évaluation de la performance de l’appareil exécutif de la République par rapport à tous les programmes exécutés avec l’argent du trésor public. La reddition des comptes seule, effectuée souvent de manière ritualiste une fois l’an, ne suffit pas. Le Parlement peut créer une cellule de monitoring et d’évaluation permanente de l’exécution du budget et de tous les programmes exécutifs, avec publication mensuelle des résultats, conclusions, actions correctives et sanctions, à l’attention des citoyens, par obligation de la rédevabilité républicaine. C’est impératif pour la consolidation de la démocratie substantive.

Force est de souligner que la présidence de la République est aujourd’hui perçue dans l’opinion nationale et internationale comme la propriété exclusive d’une nouvelle bourgeoisie compradore politicienne, voire d’une coterie clanique. Elle servirait de foyer de partage opaque et incontrôlé des fonds mis à sa disposition par la République – comme un butin. Cette perception sociopolitique de l’injustice par la monopolisation tribalo-partisane-courtisane  d’un service étatique est extrêmement périlleuse pour la cohésion nationale.

Le devoir de la protection intellectuelle de la République, dans sa quintessence rationaliste et moderniste, nous a imposé cette démarche citoyenne.
 

Veuillez agréer, chers compatriotes et Honorables Députés et Sénateurs, l’expression de notre considération distinguée.

Hubert Kabasu Babu Katulondi  ​
(Gardien Intellectuel de la République)