Election du Chef de l’Etat au second degré : nostalgie de 1960

Vendredi 4 décembre 2015 - 09:59

Dans son discours prononcé le samedi 28 novembre 2015, Joseph Kabila a proposé au peuple congolais et particulièrement aux participants au dialogue tant attendu d’engager «dès à présent une réflexion sur un système électoral avec des modalités de vote peu coûteux comme c’est le cas dans d’autres pays ». Bon nombre d’analystes politiques ont vite décelé dans ce discours l’intention du chef de l’Etat d’imiter à une nouvelle révision constitutionnelle comme ce fut le cas lorsqu’en 2011, il avait obtenu de l’Assemblée Nationale la modification du système de deux tours à l’élection présidentielle. On rappelle le tollé que cette proposition avait soulevé dans l’opinion, dont le plus significatif exprimé par le Cardinal Laurent Monsengwo qui avait fait savoir que ce genre de scrutin réduirait la légitimité du chef de l’Etat qui ne pourrait plus bénéficier de la majorité absolue des voix de ses compatriotes. A l’issue de l’élection présidentielle de 2011, Joseph Kabila n’avait pu obtenir que 44 % des voix contre 32 % attribuées à Etienne Tshisekedi. 

Des partis politiques de l’Opposition, des Ong de défense des droits de l’homme et autres associations de la société civile  montés au créneau pour dénoncer ce qui apparait comme une tentative de la révision constitutionnelle devant pousser la Cour Constitutionnelle d’ouvrir la voie à une interprétation ambigüe permettant de contourner les dispositions de l’article 220 verrouillant les mandats du président de la République. Le cas le plus récent de l’arrêt de cette même cour qui a ouvert la voie à la nomination des « commissaires spéciaux » est encore frais dans la mémoire collective.

Conflit de légitimité entre Kasavubu et Lumumba

Non seulement, cette proposition du chef de l’Etat se base sur l’exemple de certains Etats qui ont opté pour le suffrage indirect, notamment au second degré comme actuellement pour les sénateurs, mais en plus l’opinion garde encore en mémoire le conflit de légitimité entre Kasa-Vubu et Lumumba en 1960, qui avait plongé le pays dans une guerre civile avec comme un bilan macabre 500.000 morts, pillages des villages, déplacements massifs des populations, destructions méchantes des infrastructures économico-industrielles.

Au cas où cette proposition serait retenue, ce serait une violation flagrante du Préambule de l’actuelle Constitution qui stipule que « depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la RDC est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et leurs animateurs ».

Plus question de 32 ans à la tête du Congo

Dans son discours du samedi, comme l’Udps le lui reproche, le chef de l’Etat a parlé de tout sauf de son cas alors que non seulement il est partie au dialogue en tant qu’autorité morale de sa famille politique mais, en plus, il doit être l’un des points à l’ordre du jour du dialogue. Il ne peut pas être juge et partie, ont conclu les partisans d’Etienne Tshisekedi.

Bon nombre d’analystes décèlent dans ses propos une tentative de trouver des voies et moyens pour emboiter le pas à ses deux homologues du Rwanda et du Congo-Brazzaville. Comme cela a été le cas tout au début de cette année avec l’ordonnance de la mise sur pied d’un organisme chargé du recensement général dénommé ONIP. Tout comme l’ouvrage rédigé par l’un des ténors de la Majorité présidentielle proclamant haut et fort que sont révisables tous les articles de la Constitution. Or, le 3ème point du Préambule relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir indique que l’une des préoccupations majeures qui président à l’organisation de ces institutions a pour but d’assurer l’alternance démocratique.

Ainsi donc, faut-il le rappeler, les débats lors des négociations politiques inter congolaises à Sun City en mars et avril 2002 s’étaient focalisés sur deux éléments fondamentaux. A savoir que la Nation congolaise avait mortellement souffert du conflit de légitimité entre Kasa-Vubu et Lumumba et plus tard par du long règne de 32 ans de feu Mobutu qui avait cru que le Congo était sa propriété comme l’Etat Indépendant du Congo le fut pour le Roi Léopold II entre 1885 et 1909.

Moralité : plus question d’un président de la République élu au suffrage indirect, plus question d’un président de la République qui ferait plus de deux mandats à la tête du pays.                                                F.M.