La démocratie congolaise à reculons : à chaque quinquennat, son mode de scrutin présidentiel

Mercredi 2 décembre 2015 - 13:56

En République démocratie du Congo, à chaque quinquennat correspond son mode de scrutin présidentiel. En 2011, la présidentielle a été réduite au suffrage universel direct à un seul tour, En 2016, on veut la ramener au suffrage indirect. Atypique, cette démocratie congolais à reculons!

 

En 25 ans d’exercice démocratique, la RDC est passée par toutes les épreuves. Les années 1990 ont été celles de l’apprentissage de la démocratie, avec toutes ces contraintes et exigences. En refusant d’embarquer librement dans le train de la démocratie qui filait à vive allure, feu le président Mobutu a été broyé par les roues de l’histoire. C’est loin de la terre de ses ancêtres, précisément au Maroc, qu’il meurt en 1997, quelques mois après son éviction du pouvoir par les troupes de l’AFDL, appuyées par l’a coalition rwando-ougando-burundaise.

Le pouvoir AFDL, incarné par Laurent-Désiré Kabila, a servi de transition, avant que la RDC ne revienne, avec l’avènement de Joseph Kabila en 2001, à la démocratie par les premières élections libres, transparentes et démocratiques de 2006.

 

Les élections de 2006 ont eu pour soubassement la Constitution du 18 février 2006, fruit d’un compromis laborieusement négocié en 2002 à Sun City, en Afrique du Sud. C’est cette Constitution, considérée jusqu’alors comme un patrimoine national, qui a inauguré l’ère de la 3ème République. Aussi, plus de 40 ans après l’arrêt brutal de la démocratie par le coup d’Etat de novembre 1965, la RDC renouait avec la démocratie. Les élections de 2006 ont été celles de tous les espoirs. C’était la preuve de la renaissance d’un Etat, qui a pataugé depuis son indépendance en 1960. Il y avait dès lors un héritage démocratique à protéger.

 

Depuis 2006, les Congolais ont juré de promouvoir, selon les termes de la Constitution de 2006, comme seul mode d’accès au pouvoir : les élections. Le train de la 3ème République avait quitté le train.

 

En 2011, les premières frictions sont apparues, Pour des raisons que seuls les historiens pourront élucider un jour, les acteurs politiques ont décidé d’estomper le train de la démocratie. Ensemble, ils décidèrent de changer les règles de jeu. La présidentielle à deux tours selon les prescrits de la Constitution de 2006 a été ramené à un seul tour. D’autres articles de la Constitution du 18 février 2006 ont été retouchés, donnant, notamment au, président de la République la possibilité de relever de ses fonctions les gouverneurs de province.

 

Et, comme s’il n’en suffisait pas, la Majorité prévoit, avec le dialogue politique, de revoir, jusqu’à changer la Constitution de 2006. Curieusement, c’est toujours à la fin d’un quinquennat qu’un tel projet émerge. Une fois de plus, on veut retoucher la Constitution. Comme en 2011, ce n’est pas l’intérêt du peuple qui le guide. Les motivations sont ailleurs.

 

Il en a été ainsi en 2011. En 2016, la Majorité projette de rééditer le même exploit. Si en 2011, tout le coup était joué au niveau du Parlement, en 2016, c’est via le dialogue politique que se négocie ce nouveau tripatouillage de la Constitution de 2006. On est donc en train dans un cycle d’instabilité constitutionnelle, loin de l’esprit de Sun City.

 

Nous voilà donc dans les travers qui ont fini par faire dérouter la 2ème République. Le changement intempestif de la Constitution n’est pas de bon augure pour un pays qui veut bâtir son développement sur le socle de la démocratie. La 2ème République en a fait les frais, jusqu’à sa désintégration en 1997.

 

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut craindre qu’on revive le même scenario pour cette 3ème République bâtie dans la douleur et au prix de grands sacrifices à Sun City, en Afrique du Sud.

 

Dans leur dernier message, les évêques de l’Eglise catholique ont fait part de cet héritage commun qu’il faut protéger. Ont-ils prêché dans le désert ? Difficile à dire. Pour l’instant néanmoins, le pays va mal. Il va droit vers un abîme. Un sursaut collectif est indispensable - loin des considérations politiques.

 

Par F.K.