L’ambassadeur climat de la France, Stéphane Gompertz, cerne les enjeux de la COP21 de Paris

Samedi 23 mai 2015 - 17:51

Il a pour mission de sillonner le continent africain pour expliquer et obtenir l’adhésion des dirigeants et forces vives dans la stratégie qui garantirait la réussite de la COP21 de Paris en France. La tache de Stéphane Gompertz n’est pas facile. L’inadéquation entre les précédentes promesses et la réalité ne porte pas à l’enthousiasme. Dans cette interview exclusive accordée à « Le Potentiel », il tente de convaincre. Exclusivité !

Que compte proposer la France aux parties au point de les engager dans l’action au-delà des acquis du Protocole de Kyoto ?

En tant que future présidence de la COP, la France mène des consultations avec tous ses partenaires en vue de favoriser un accord universel comprenant des engagements précis.

Cet accord sera la première étape de l’effort concerté de tous les pays afin de contenir l’élévation moyenne des températures dans la limite des 2°C. La France ne se substitue pas au groupe de négociation qui fait du bon travail. Elle est à l’écoute de tous et aide à dégager les convergences et les nécessaires compromis.

La France s’attend à quoi à l’issue de la Conférence de Paris sur le dérèglement climatique ?

A un accord contraignant et global, auquel souscriront tous les Etats de la planète ; il sera accompagné d’engagements précis et chiffrés, d’un plan de financement et de solutions novatrices. L’atténuation, autrement dit la limitation puis la diminution des émissions de gaz à effet de serre, doit aller de pair avec l’adaptation, c’est-à-dire l’ensemble des actions permettant d’aider les pays moins favorisés à faire face aux conséquences du changement climatique.

Les secteurs porteurs de croissance en RDC sont des principaux moteurs de la déforestation. Comment la France compte-t-elle aider la RDC à concilier les impératifs du développement avec la protection des forêts ?

A travers le programme AGEDUFOR de l’Agence Française de Développement, nous continuons à appuyer les programmes de gestion durable des forêts. Nous pouvons aussi aider la RDC à dégager d’autres sources d’énergie que le charbon de bois, peu productif, polluant et dangereux pour la santé des populations.

L’enjeu est effectivement de concilier les exigences – légitimes – de développement avec la gestion durable des ressources du pays. Cela s’articule autour de la question de l’affectation et de l’utilisation des terres, la gestion durable des forêts et de la biodiversité dans une région engagée dans la lutte contre la pauvreté.

La question de la planification de l’utilisation des terres forestières, en cohérence avec les politiques de développement est donc un élément majeur pour l’avenir de la RDC.

Le deuxième massif forestier tropical de la planète est en RDC. Les puissances industrielles, en vertu de leur responsabilité historique, s’intéressent plus aux massifs brésilien et indonésien. La RDC bon élève doit-elle poursuivre la dégradation de la forêt avant d’espérer attirer l’attention sur sa forêt ?

Vous nous faites un procès d’intention. Au moins en ce qui concerne la France, je peux vous assurer que nous ne donnons pas la priorité à d’autres continents.

En revanche, il est exact que le Mécanisme de développement propre a profité surtout aux pays d’Asie. En revanche, la RDC a été privilégiée dans l’appui à la mise en œuvre du mécanisme REDD+ par rapport aux autres pays de la sous-région. Mais le Fonds Vert, pour le capital duquel la France a souscrit à hauteur d’un milliard de dollars, devra accorder une place beaucoup plus importante à l’Afrique.

Il y a toujours inadéquation entre le discours sur la lutte contre les changements climatiques et les retombées réelles auprès des populations dans la politique dite d’atténuation et d’adaptation. Conséquence de cette faiblesse, les gouvernements optent pour la rentabilité immédiate du pétrole, des mines … Comment changer radicalement cette tendance ?

Un des objectifs de la Conférence de Paris sera précisément de corriger cette inadéquation. Nous devons préparer l’avenir mais nous devons aussi nous soucier du bien-être des populations aujourd’hui. Il n’y a pas de contradiction. Il faut travailler simultanément sur les deux terrains. Nous aidons la RDC à préparer sa contribution nationale à la COP 21, ce qu’on appelle l’INDC. Elle y précisera ses ambitions et ses attentes.

A quel niveau se situe l’accompagnement de la France dans le processus REDD ?

La France est un des cinq donateurs de la facilité REDD+ de l’Union Européenne. Elle appuiera les efforts pour une prise en compte de ce mécanisme dans le futur accord ainsi que son financement.

Le barrage d’Inga est répertorié par la Banque mondiale comme susceptible de sauvegarder 10 milliards de tonnes de carbone. Dans le cadre de la COP 21, la RDC peut-elle s’attendre à un appui de la France et des autres partenaires dans le développement du site d’Inga ?

Le projet d’Inga est un projet colossal. Je pense à l’énergie qu’il peut fournir mais aussi à son coût et à ses multiples implications. Si ce projet est cohérent avec les politiques de réduction d’émissions portées par la RDC, s’il fait l’objet d’un consensus politique, et s’il mobilise l’intérêt des partenaires, la France appuiera ce projet.

Le Fonds Vert et les bailleurs en général examineront avec la RDC l’ensemble des engagements et des politiques dans lequel ce projet devra nécessairement s’inscrire.