Lettre de réconfort à nos chers Présidents africains...

Lundi 18 mai 2015 - 14:46

Edito de la semaine - en ligne: 78
Lettre de réconfort à nos chers Présidents africains...

Messieurs les Présidents et Chefs d'Etat,
Qu'il est décidément bien difficile, en ces temps incertains et tourmentés, de pouvoir compter sur tout le monde. Certains de vos principaux thuriféraires zélés, entend-on déblatérer les mauvaises langues, s'emploient à vous entêter ou même, miracle, à vous savonner la planche afin de vous voir rempiler, sans incidence, naturellement, sur le cours tranquille et rémunérateur de leurs carrières. Vos multiples suppôts n'ont pas toujours eu l'élégance, ni la reconnaissance du ventre pour vous exprimer leur gratitude, trop occupés qu'ils sont, à soigner leurs plans de carrière ou se chercher un chaperon autre que vous.

En hommes rompus aux arcanes des sérails politiques, vous avez dû probablement vous préparer à ces ingratitudes en usage sous nos tropiques. Cette faune invertébrée qui "prend le pli de l'absurde" dès qu'elle le "découvre" pour paraphraser Camus, s'écoule facilement pour qui veut bien l'acheter. Vous connaissez son prix puisque vous avez eu, souverainement, à le fixer. Ne soyez donc pas dépités par ces trahisons précoces, elles sont constitutives du brouet politique que vous avez si savamment concocté. A l'orée d'une année placée sous le signe d'une dangereuse incertitude, les dithyrambes de vos déjà ex-obligés seront réservés à celui qui aura le redoutable privilège de vous succéder.

Tenez-le vous pour dit: au cas où le prochain vizir recyclerait vos actuels vassaux dans une configuration qu'il aurait dessinée, attendez-vous d'être accusés des pires turpitudes. Pour faciliter et anticiper leur intégration, vos amis d'hier auront à cœur de vous accabler de tous les maux qui ont eu à émailler votre long règne, comme des années sans pain. Madrés, traîtres à souhait, ils ne s'embarrasseront d'aucune considération pour défendre votre bilan ou protéger votre honneur. Leurs seules compétences consistant, précisément, à tirer sur des ambulances. Ils ont été biberonnés à la chose, grâce à vous, jusqu'à la poussée tant attendue de leurs premières canines. Ils vous accuseront avec ce cynisme épais et cette lippe des mauvais jours d'avoir réduit vos pays à néant.

Les entendez-vous, Messieurs les Présidents, quand ils récitent à tue-tête, la litanie de tous les péchés qui ont chahuté vos années de pouvoir? Ont-ils été quelque peu responsables, fût-ce de manière tangentielle? Que non, bien évidemment! Ils vous ont refilé le bébé avec l'eau du bain. A eux l'argent et les honneurs. A vous l'infamie et le désamour de l'opinion. Il y a aussi la tiédeur de vos alliés réels ou supposés qui vous ont, certes, confirmé leur soutien, pour peu que vous vous représentiez, même si certains pensent que cette nuance de "retenue" est due à l'absence de visibilité qu'il y a autour de votre probable énième candidature.

Dans ce camp-là, celui des "Judas" et des "Brutus", on ne veut pas subir de sort funeste et conséquemment on ne veut pas insulter l'avenir, on reste à l'écoute et surtout on garde "le doigt en l'air" pour humer le vent favorable. Bien évidemment, ils seront présents pour battre campagne à vos côtés, mégaphone à la bouche et aux couleurs du parti que vous incarnez, fût-il celui du "consensus", qui les protégerait, et dans le même temps, ferait pérenniser le système et gonflerait, davantage, leurs acquis. Qu'en déduire si ce n'est que votre monde politique est bien confus et que la loyauté en politique, tout comme les idées sont une denrée périssable. Dans vos pays, les politiciens tuent le débat… mais ça, vous le savez déjà, Messieurs les Présidents!

Pour autant, un peu de bon sens serait le bienvenu de votre part car votre responsabilité dans ce qui arrive à vos peuples est écrasante. Vous multipliez les écueils pour pérenniser un système que vous avez forgé à votre image. Mais pour votre plus grand malheur, vous naviguez à vue sans perspective aucune car le champ de vos possibilités fond comme neige au soleil. Pour beaucoup de vos compatriotes, irrités par vos choix hasardeux et vos comportements erratiques, le seul exutoire susceptible de vous faire entendre raison, c'est la violence libératrice et salvatrice, synonyme de drames que vous avez déjà contribué à aggraver.

Heureusement pour vous, personne n'en veut… Mais en définitive, quand ouvrirez-vous les yeux afin de sortir de cet insupportable déni obsessionnel et compulsif de la réalité dans lequel vous avez fini par vous enfermer? Pour votre gouverne, il n'est ni juste, ni sain, que ce soient toujours les mêmes qui gouvernent, et vos Constitutions respectives, que vous vous employez à ostensiblement à violer, doivent être conçues de telle manière qu'elles permettent l'alternance.

Dans la démocratie moderne, l'alternance se définit comme la succession au pouvoir dans les organes de l'Etat. Elle ne concerne, évidemment pas, les autorités juridictionnelles de l'ordre administratif ou judiciaire. L'alternance ne s'appliquant qu'à des organes élus par le peuple. Elle est une exigence de la démocratie qu'on peut faire remonter à la Grèce Antique.

Il est plus qu'urgent pour vous de consacrer constitutionnellement cette notion en tant qu'élément fondamental et fondateur qui doit être respecté et pratiqué par tous ceux qui auront la charge de gouverner et de vous succéder à la tête de l'Etat. A l'heure où je vous écris, c'est la seule option qui s'offre à vous pour sortir par le haut d'une inextricable situation. Je vous suggère humblement d'en accepter le prix si vous ne voulez pas agoniser dans le funeste caniveau de l'histoire de vos pays respectifs. Malheureusement en politique, telle qu'elle est pratiquée dans vos contrées "bananières", il ne subsiste qu'une seule et unique règle: chasser ou être chassé… Vae Victis, malheur aux vaincus!

Par Henri Désiré N'zouzi