Martin Fayulu : « Le calendrier global de la CENI est totalement obsolète »

Mercredi 10 juin 2015 - 15:32

“Dialogue ou pas, la CENI exécute son calendrier”! C’est l’intitulé de l’article de Mile Dorcas Nsomue, publié dans le journal le “Phare” du 03juin 2015, rapportant les propos de Monsieur Jean-Pierre Kalamba, Rapporteur de la CENI, lors de sa conférence de presse du mardi 02juin 2015.
A la lecture de cet article, non sans pincement au cœur, nous nous sommes posé deux questions, à savoir Jusques à quand prendra-t-on les Congolais pour des idiots et de quel calendrier Monsieur Kalamba parle-t-il? Nous voudrions affirmer ici que la CENI, à ce jour, ne respecte pas son calendrier qui, du reste, a été qualifié par plusieurs observateurs d’incohérent. Plusieurs activités prévues avant la fin du mois de mai 2015 n’ont jamais été réalisées. La CENI navigue donc à vue et va tout droit vers l’inconnu.

En effet, lorsque le 12 février 2015, la CENI avait publié son calendrier formellement global, et apparemment respectueux des délais constitutionnels, l’Opposition congolaise avait, dans sa déclaration du 27 février 2015, relevé le fait que le calendrier de la CENI était inconstitutionnel en ce qu’il violait l’article 5 de la Constitution et qu’il était intentionnellement surchargé afin de le rendre irréaliste, hypothétique, onéreux et aléatoire.

Il apparaissait donc clairement que la finalité de la démarche de la CENI était de bloquer la machine pour obtenir un glissement au-delà de 2016 en faveur de Monsieur Kabila.

Toutefois, l’Opposition avait décelé un acquis important qui ressortait de ce calendrier, celui de la confirmation du principe de l’intangibilité de l’article 220 de la Constitution grâce à l’assurance que le nouveau Président élu prêtera serment le 20décembre 2016.

Réaffirmant quelle était prête pour aller aux élections, l’Opposition avait cependant refusé de s’engager tête baissée dans un processus gibbeux et biaisé, comme ce fût le cas en 2006 et en 2011.

Ainsi, dans un élan patriotique et animée par le souci d’un processus transparent et apaisé, elle avait entrepris d’apporter.sa contribution en formulant une contre-proposition de calendrier qui consistait essentiellement en l’organisation des élections provinciales, des gouverneurs et vice-gouverneurs, des Sénateurs, prioritaires parce que suspendues au cours du cycle électoral 2011-2016 ainsi que des élections présidentielle et législatives, qui doivent obéir aux contraintes de la Constitution.
Toutes ces élections devraient être précédées de l’enrôlement de tous les électeurs afin de mettre à jour le fichier électoral.
Quant aux élections locales, municipales et urbaines qui sont beaucoup plus complexes, l’Opposition avait proposé de les postposer après 2016 pour une programmation plus rationnelle.

Le 03 mars 2015, l’Opposition avait déposé officiellement sa contre-proposition à la CENI et cette dernière avait promis une réponse formelle qui n’est jamais arrivée formellement. Mais, c’est par voie de presse que nous avons obtenu des réponses à travers les propos de Messieurs Jean Pierre Kalamba et Apollinaire Malu-Malu.

En effet après l’audience du 03 mars accordée à l’Opposition, le Rapporteur de la CENI a dit aux journalistes : “Nous les avons reçus par civilisation … » ! Nous supposons qu’il voulait dire “civilité’’.

Et l’Abbé Malu-Malu, le 16 avril, revenu précipitamment au pays après trois mois d’absence déclarera
“Ce n’est plus le moment de penser que la CENI va encore changer son calendrier Nous allons tenir le calendrier Il ne faut pas croire qu’il y aura une élection sacrifiée, Il n’y en aura pas. Nous allons organiser toutes les élections. Il n’y a aucun doute, on va vers les élections. S’il y a encore des personnes qui ne savent pas que le train des élections est en marche, et bien des signes avant-coureurs sont là. Nous avons ténu le pari qu’il n’y aura pas de changement de dates pour les candidatures ». Dont acte Nous demandons aujourd’hui à Monsieur Malumalu de nous montrer ces signes avant coureurs.
Malumalu feignait néanmoins d’ignorer qu’à cette date-là, le 16 avril, les activités 4 à 10 prévues dans son calendrier global n’étaient toujours pas réalisées. Pourtant, en tant “qu’expert” en matière électorale, il doit bien savoir qu’une opération électorale est composée d’une série d’activités qui sont en interaction et s’influencent mutuellement.

Devant cette défiance caractérisée de la CENI et sa défaillance à répondre à la contre-proposition de l’Opposition, celle-ci est revenue à la charge en introduisant, le 27 avril auprès de la même CENI, un mémorandum contenant ses préoccupations, sous forme de préalables, notamment celui de l’enrôlement des électeurs. L’Opposition s’était même vue obligée de donner un ultimatum de 48 heures à la CENI le 29 avril afin qu’elle réponde à ses préoccupations. Rien n’y est fait.
Soudain, l’opération de dépôt des candidatures pour les provinciales, qui devait prendre fin le 5 mai, a été prolongée à l’initiative de la CENI elle-même, jusqu’au 25 mai sur toute l’étendue de la RDC.

Puis, ayant réalisé le peu d’engouement que la population accordait à ce processus (25% seulement de remise de dossiers), la CENI conviera en catastrophe l’Opposition ainsi que la Majorité à une réunion présidée via vidéo-conférence, le 25 mai par Malumalu en personne pour négocier avec les acteurs politiques une deuxième prolongation de cette opération au 30 mai, contrairement à ses suffisances un mois plus tôt, sans mentionner l’incidence négative de cette prolongation sur les activités prévues du point 15 au point 18 de son calendrier.

A ce jour, toutes les activités liées aux élections urbaines, municipales et locales ont été carrément « ajournées » - dixit le Rapporteur de la CENI- en attendant l’adoption de la loi sur la répartition des sièges dont le projet a été presque rejeté par les députés lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale du vendredi 5 juin courant. Le député Mayo Mambeke a même qualifié le projet de loi du Gouvernement de faux, d’inconstitutionnel et d’inopportun. Quel embarras pour le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur et Sécurité, porteur du projet !
N y a deux choses intéressantes qu’N faut relever lors de la conférence-vidéo entre la classe politique et Monsieur Malumalu en date du 25mai:

La première, c’est la demande expresse de Monsieur Malumalu, pour le maintien du format de forum de discussions du 25 mai ainsi que la promesse ferme de discuter des préalables posés par l’Opposition à son retour au pays dans la semaine du 01 au 06 juin 2015.

La deuxième c’est la déclaration faite par le rapporteur de la CENI, pour qui “la CENI ne pourrait revoir son calendrier que si les acteurs politiques de toutes tes tendances se mettaient d’accord sur un document juridiquement valable et opposable à tous. Elle verra dans ce cas-là comment concilier son calendrier et celui que pourraient proposer les acteurs politiques” !
Qui croire maintenant ? Est- ce la personne quia dit “qu’il n’y aura pas de changement de dates pour le dépôt des candidatures aux provinciales » ou celui qui attend des acteurs politiques un document juridiquement valable et opposable à tous » ?

Le forum promis pour des discussions sur les préalables posés par l’Opposition peut encore attendre !

En définitive, Monsieur Kabila joue sur deux tableaux politiques la CENI et le dialogue.
D’une part, c’est lui qui, d’après le Vice-président de la CENI, va “convoquer les ministres clés du gouvernement pour échanger sur le financement des élections”, alors que c’est la contrainte numéro 2 (actualisation du plan de décaissement des fonds pour les élections) qui devait être exécutée par le Gouvernement depuis le 22 février 2015. Allez y comprendre quelque chose !

D’autre part, c’est lui qui consulte. Et, il prend son temps en auscultant les horizons, tout en reléguant certains problèmes cruciaux au second plan tels que l’enquête internationale sur le charnier de Maluku, les massacres et les tueries de Beni. Comment comprendre par ailleurs ce silence assourdissant sur le lauréat du prix Christophe Mérieux 2015, notre brave frère le Dr Jean-Jacques Muyembe qui a été récompensé pour ses travaux sur le virus Ebola ?

Seulement voilà, tout ce.qui est fait contre le temps et la volonté du peuple est voué à l’échec et nous disons : les élections présidentielle et législatives doivent absolument se tenir le 27 novembre 2016 et la passation civilisée du pouvoir le 20 décembre 2016, conformément à la Constitution !

C’était le combat héroïque des Congolais qui avaient gagné les rués de Kinshasa et des villes de certaines provinces du pays dans la semaine du l9 au 25 janvier 2015. Certains sont morts: d’autres sont en prison et dans lés hôpitaux, et d’autres encore garderont longtemps les stigmates de ce combat ! On ne peut pas accepter que leur sacrifice soit vain. Ça serait irresponsable et criminel !

Martin M. Fayulu
Député, Président de l’Ecidé et Coordonnateur des FAC