Moni Della : sa lettre d’indignation à Kabila

Jeudi 30 juin 2016 - 18:53
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Moise Moni Della est inquiet par rapport à la tournure que prend l’affaire Katumbi. A travers une lettre ouverte adressée au président Joseph Kabila,  le président de Conade proteste vigoureusement contre l’harcèlement politico-judiciaire dont subit le candidat G7-Ar à la présidentielle. A quelques mois des élections, l’opposant craint que le pourrissement de la situation conduise au chaos. Il responsabilise la justice, la police et les services de renseignement dans la stratégie du pouvoir pour empêcher Katumbi de solliciter le suffrage des congolais. Pour lui, toutes les stratégies contre l’ex-gouv du Katanga sont improductives. D’ailleurs, elles contribuent à son rayonnement politique, diplomatique et médiatique. A cela, dit-il, il faut ajouter l’augmentation de cas des graves violations des droits de l’homme. Il rappelle qu’en dehors de Dieu, personne sur cette terre ne peut arrêter le destin d’un homme. Ainsi, Moni Della appelle le chef de l’état à mettre fin aux harcèlements contre Katumbi, tous les opposants et les acteurs de la société civile. Et après la libération de l’américain Lewis, le co-fondateur de l’Alternance pour la république demande à l’état de présenter des excuses solennelles au gouvernement des Etats Unis pour avoir faussement livré en pâture l’honneur de ce pays ami.

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N°Réf : 047/CONADE/Pdt/06/2016

Objet : Lettre ouverte au Président de la République à propos de violations de droits de l’homme en RD Congo :

 cas de Moïse KATUMBI CHAPWE.
A Son Excellence Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo.

 

Excellence Monsieur le Président de la République,

 

Notre parti politique, « Conservateurs de la Nature et Démocrates », CONADE en sigle, vient par la présente, vous faire part de son indignation, au sujet de l’harcèlement politique, administratif et judiciaire dont fait objet Monsieur Moïse KATUMBI TSHAPWE, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2016, suite à la demande expresse formulée par les plateformes politiques : G7, l’Alternance pour la République et plusieurs autres Associations, personnalités politiques ainsi que la majorité silencieuse du Congo profond.

Nous considérons cela comme un acharnement de la police, des services de renseignement et de la justice qui sont instrumentalisés, afin d’empêcher notre candidat à solliciter le suffrage du souverain primaire lors de la prochaine élection présidentielle.

Le CONADE s’indigne également des violations flagrantes de droits humains caractérisées par les arrestations arbitraires, les enlèvements, les tortures, les massacres des populations civiles à l’Est, la répression et les détentions illégales des opposants, les activistes de la société civile ainsi que de tous ceux qui tiennent au respect de la Constitution et à votre départ le 19 décembre 2016. Cette façon de faire est une stratégie surannée, anachronique et contre productives qui ressuscitent les méthodes utilisées par les colons et certains dictateurs de triste mémoire comme MOBUTU.

 

Monsieur le Président de la République,

 

Concernant les accusations faites contre les sujets américains qui recruteraient certains congolais afin de perpétrer un coup de force contre la République sur instigation  de Monsieur Moïse KATUMBI, nous considérons que c’est un montage maladroit et un procès bidon que nous vous demandons de mettre fin car cela terni l’image de la justice de notre Pays et par ricochet ridiculise ses institutions. Heureusement que le peuple congolais est resté éveillé et cette cabale a rencontré l’opposition farouche des congolais, qui n’ont pas hésité de se mobiliser comme un seul homme, contre une justice téléguidée par le pouvoir, au mépris parfait de son indépendance. Par contre, toutes vos stratégies contre la candidature de Moïse KATUMBI sont improductives qui, d’ailleurs contribuent sensiblement à son rayonnement politique, diplomatique et médiatique car, on n’arrête jamais le destin d’un homme, seul Dieu est capable de le faire.

La décision du ministère public de laisser libre le sujet américain abusivement accusé et arbitrairement détenu au géol de l’Agence nationale de renseignement, prouve à suffisance le caractère artificiel et anodin dudit procès.

 

Pour notre part, nous estimons qu’au-delà de cette libération de Monsieur LEWIS, la République démocratique du Congo doit présenter ses excuses solennelles auprès du gouvernement américain, pour avoir accusé faussement et livré en pâture l’honneur et la crédibilité  d’un Pays ami, qui a toujours été à nos côtés dans les moments de crises multiformes et multidimensionnelles qu’a connu notre Pays depuis 1960 à nos jours.

 

Excellence Monsieur le Président de la République,

Comme si cela ne suffisait pas, nous constatons que l’intention de nuire à notre candidat demeure votre préoccupation et celle de votre famille politique. C’est ainsi que la condamnation par défaut du candidat déclaré à l’élection présidentielle, Monsieur Moïse KATUMBI dans le procès dit de spoliation de l’immeuble du sujet grec Monsieur Alexandre STROUPS, rentre dans les velléités effrénées de le faire écarter délibérément de la course à la magistrature suprême.

 

Cette condamnation par défaut en effet, n’a pas respecté la forme et le fond de la procédure en la matière, pour des raisons subarticulées:

 

- D’abord elle est faite au grand mépris de tous les droits de la défense prévu aux articles 19 et 61 point 5 de notre Constitution ainsi qu’aux instruments juridiques internationaux auxquels notre Pays est partie, notamment l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 7 point 2 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ces instruments juridiques prévoient que nul ne peut être condamné ou arrêté sans avoir préalablement présenté ses moyens de défense ;

 

- Ensuite, ladite condamnation de monsieur Moïse KATUMBI a été faite pour des faits frappés de prescription qui sont reprochés à son frère KATEBE KATOTO depuis 1976. Et pourtant, l’article 17 alinéa 8 de notre Constitution dispose que la responsabilité pénale est individuelle, nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour faits d’autrui ;

 

  • Enfin, ce jugement par défaut n’aura aucun effet juridique, tant il ne sera pas signifié par l’huissier de justice du ressort, à la personne même de monsieur KATUMBI qui se trouve aujourd’hui à l’étranger pour des soins médicaux, sur autorisation du Procureur général de la République (article 89 alinéa 2 du décret du 6 août 1959 portant code de procédure pénale congolaise tel que modifié à ce jour).

 

 

Pour CONADE et conformément à la loi électorale en vigueur en RDC, Moïse KATUMBI remplit toutes les conditions d’éligibilités et la fameuse condamnation par défaut n’est pas un obstacle à son élection, sur base de l’article 10 de la loi électorale de 2006 telle que modifiée à nos jours. Cette disposition rend inéligible seulement les personnes condamnées pour crimes de guerre, de génocide, crime contre l’humanité et de viol (…). Ce qui n’est le cas pour le candidat du CONADE, Moïse KATUMBI.

Excellence Monsieur le Président,

 

Vous êtes sans ignoré qu’avant l’indépendance de notre pays, les autorités Belges avaient monté des scénarios contre Patrice-Emery LUMUBA dans l’objectif de le discréditer afin de l’écarter de la scène politique, il a été même accusé d’avoir volé l’argent à la poste à Kisangani mais cela ne l’a pas empêché de devenir Premier Ministre. Pendant le règne du Président MOBUTU, Etienne TSHISEKEDI a été plusieurs fois accusé d’atteinte à la sureté de l’Etat et de subversion, il a été mainte fois  jugé et jeté en prison comme un brigand mais cela ne l’a pas empêché de devenir Premier Ministre et Leader incontestable de l’opposition congolaise et cela n’a jamais terni son image politique jusqu’à gagner l’élection Présidentielle de 2011haut la main.

 

Si nous scrutons loin de nos frontières nationales :

 

- En République Sud-Africaine, les colons eurent condamné et emprisonné Nelson MANDELA,  le traitant même de terroriste mais il a fini par devenir Président de la République,

 

- En côte d’Ivoire, Alassane Ouattara s’est vu retirer la nationalité ivoirienne, malgré toutes ces persécutions, il a fini par diriger la côte d’Ivoire,

 

- Au Bénin,  Monsieur Patrice TALON, l’actuel Chef de l’Etat, accusé pour avoir empoisonné le Président Boni YAYI   bien que condamné en justice pendant son exil, a reçu après la confiance du peuple Béninois, lui propulsant jusqu’à la magistrature suprême.

Excellence Monsieur le Président de la République,  tous ces récits relatés doivent vous servir de leçon et vous inspirer positivement.

 

Vous devez savoir que la prison et l’exil sont les antichambres du pouvoir. M’zee Laurent-Désiré KABILA votre père, bien qu’ayant été en exil pendant plusieurs années,  a pris le pouvoir avec la bénédiction du peuple congolais et cela fut la conséquence de votre retour au pays.

 

Moïse KATUMBI, en exil ou en prison par la volonté de Dieu et du peuple congolais, prendra le pouvoir un jour en République Démocratique du Congo.

 

Monsieur le Président de la République,

 

Le CONADE estime en outre que les raisons évoquées par la majorité présidentielle pour justifier votre maintien au pouvoir sont antidémocratiques, à savoir :

 

  • L’arrêt de la Cour constitutionnelle dont les juges sont encore tous fidèlement dociles à votre volonté de vous éterniser au pouvoir ;
  • l’interprétation fallacieuse de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à nos jours ;
  • Et le fait que vous êtes encore jeune et qu’en quarante-cinq ans, l’on ne peut aller en retraite.

 

Le CONADE pense que la volonté manifeste que vous affichez à demeurer au sommet de l’Etat et qui crée déjà un malaise social tous azimuts, contredit et viole intentionnellement l’article 70 alinéa 1 qui dispose : « le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois », et rendu intangible par l’article 220 qui dispose : « la forme républicaine, le principe de suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ».

 

Votre annonce faite lors de votre passage à Kalemie d’organiser les élections, n’est qu’un chapelet de bonnes intentions car elle demeure évasive du faite qu’elle n’a donné aucune précision sur le respect de la constitution dans l’organisation des scrutins que personne n’a jamais douté de sa tenue. Victor Hugo disait : « Les diplomates trahissent tout excepté leurs émotions ».  La problématique ne se situe pas seulement autour d’organisation des élections mais plutôt l’organisation des élections dans le respect du délai constitutionnel.

 

Par ailleurs, l’Etat Congolais est partie prenante de plusieurs Conventions Internationales, notamment, la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui  dispose en son article 23 : « les Etats – parties conviennent que l’utilisation entre autres des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir, constitue un comportement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible des sanctions appropriées de la part de l’union … ».

 

Monsieur le Président de la République,

 

Il vous souviendra que depuis, la proclamation de la première République, les coups d’Etat constitutionnels à répétition ont souvent dégénéré en guerres fratricides impactant ainsi négativement sur le tissu économique et social, l’Etat de droit et la culture démocratique dans notre Pays.

 

Aujourd’hui encore, votre ténacité à rester au pouvoir aura pour effet, d’annihiler les efforts consentis pour la consolidation de l’Etat de droit démocratique. Le faisant, il n’y aurait pas meilleure façon de donner raison aux nombreux observateurs et partenaires du Congo qui doutent de notre capacité à respecter nos propres lois et nos engagements internationaux et qui relèvent que la législation congolaise, dans son ensemble , constituerait à bien des égards un patchwork utilitariste cousu au plus pressé en fonction du moment et des pressions des principaux partenaires du Congo.            Ne donnons pas raison à Jacques Chirac qui a dit : que la démocratie est un luxe pour les africains.

 

Monsieur le Président de la République,

 

Face au risque perceptible des tensions sociales  que votre maintien au pouvoir au terme du dernier mandat présidentiel en 2016 pourrait causer, les CONADE vous exhortent d’organiser les élections dans le délai constitutionnel, et se référant à vos obligations constitutionnelles pour lesquelles vous avez prêté serment. Si par malheur, les élections ne sont pas organisées dans le délai constitutionnel, vous êtes dans l’obligation politique, morale et constitutionnelle de démissionner au plus tard le 19 décembre 2016.

 

Le président Etienne TSHISEKEDI qui avait gagné les élections  de 2011 et qui jouit d’une légitimité politique, historique et populaire incontestable que même votre famille politique a finie par reconnaitre, va diriger le pays pendant une période transitoire ne dépassant pas une année et organiser les élections Présidentielle et législative  auxquelles il ne se représentera pas.

 

La position des Etats-Unis d’Amérique, du conseil de sécurité, de l’Union européenne et des pays de l’ACP contre votre régime et envers vos proches sont des signaux forts qui ressemblent étrangement au climat de la fin de règne du Président MOBUTU.

 

Nous faisons recours à votre Excellence, Monsieur le président de la République, Chef de l’Etat, pour mettre fin aux harcèlements politique, administratif et judiciaire contre le candidat à l’élection Présidentielle Moïse KATUMBI et d’autres acteurs politiques et de la société civile afin de détendre  le climat politique.

 

Tout en vous assurant de notre attachement à la constitution et à la nation congolaise, veuillez agréer, monsieur le Président de la république, l’expression de notre très haute considération.

 

 

Fait à Kinshasa, le 30/06/2016

 

Pour CONADE

Moïse MONI DELLA

Président National