Pierre Kwenders, du Congo au Québec : Premier album, Le dernier empereur bantou

Vendredi 31 octobre 2014 - 13:35

Le Québécois d’origine congolaise Pierre Kwenders vient de lancer un premier album très attendu dans lequel il marie, bien à sa façon, la rumba congolaise, l’électro, la soul et le hip hop. Majoritairement en lingala, Le dernier empereur bantou puise ses sources autant dans les rythmes traditionnels que dans la production électronique d’avant-garde.

Quelque part entre modernité et tradition, à la croisée de la grande variété de genres qu’il aime écouter, et à mi-chemin entre plusieurs langues et cultures, se trouve un artiste hors de l’ordinaire qui l’année passée, a livré deux EP remarqués : Whiskey & Tea et African Dream. Grâce à ses propositions originales et à ses spectacles énergiques, Pierre Kwenders a su rapidement faire parler de lui au Québec. Il lance aujourd’hui son premier album complet Le dernier empereur bantou, un moment qu’il attendait avec impatience.

"Eh non, je ne suis pas un empereur bantou !", s’amuse Kwenders, d’entrée de jeu, en expliquant plutôt sa volonté de faire connaître l’empire bantou et son Congo natal, qu’il a quitté pour le Québec en 2001. "Je me considère plutôt comme un rassembleur, l’un des nombreux porte-parole de tous les Africains qui sont partis et qui veulent faire parler de l’Afrique du bon côté, pas seulement du mauvais."

Un mariage de styles

Qu’elles prennent forme en lingala, en français, en anglais ou en ciluba, les chansons de Kwenders puisent entre autres leur inspiration dans la rumba congolaise, un genre musical qui a eu un impact majeur sur sa relation avec la musique : "La rumba congolaise m’a bercé depuis que je suis tout petit. Elle va m’habiter toute ma vie. Ma musique lui rend hommage et j’espère que ça ouvrira une porte à la nouvelle génération, la mienne, pour qu’elle puisse découvrir ce qu’est la rumba congolaise", explique-t-il.

Outre la rumba congolaise, on retrouve sur l’album plusieurs autres influences, comme l’électro, la soul, le hip hop, le r'n'b ou la chanson traditionnelle. Cinq de ses onze pistes ont été reprises des deux EP parus l’an dernier. "Même si on ne l’entend pas directement, la musique classique m’inspire aussi beaucoup", explique le chanteur qui a longtemps participé à des chorales. "Je pense que ça influence ma façon de chanter, sans non plus me prendre pour Pavarotti ou Bocelli !", ajoute-t-il, avant d’éclater de rire.

Mais qu’on se garde d’appeler ce qu’il fait de la world music. "Je n’aime pas ce terme. N’importe qui chanterait en français ou anglais sur ma musique et ce ne serait pas mis dans cette catégorie. Mais moi, puisque je chante surtout en lingala, soudain ça devient de la world. C’est un peu ridicule !"

Références hybrides et collaborations multiples

On retrouve dans Le dernier empereur bantou plusieurs personnages imaginaires, parmi lesquels Popolipo, nommé d'après le guitariste congolais Beniko Popolipo. "Ma chanson Popolipo ne parle pas de lui, mais bien d’un être un peu mythique. Les gens ne savent pas trop qui il est, ce qu’il vient, d’où il vient et où il va… mais l’important, c’est que tout le monde est toujours content quand il arrive." Réalisée en collaboration avec son ami Samito, ce nouveau morceau a été mis à l’essai en live cet été et chaque fois, la réponse du public est excellente.

Une autre référence particulière sur l’album est Ani Kuni, une chanson d’origine autochtone qui fait partie du patrimoine québécois. Le genre de comptine qu’on apprend aux jeunes enfants et que tous connaissent, sans trop savoir d’où elle vient. Kwenders raconte l’avoir découverte grâce à ses collègues de travail, et dès sa première écoute sur YouTube, il a eu envie de s’en inspirer. "Pour moi, c’est un peu un hommage au Québec, elle est ancrée dans la culture québécoise. Autant je rends hommage à la rumba congolaise, autant je veux rendre hommage au Québec où je vis depuis toutes ces années." On retrouve sur cette chanson la participation de Jacobus de la formation acadienne Radio Radio (tout comme sur Mardi gras, qui puise plutôt dans la tradition cajun et acadienne).

Le dernier empereur bantou a été conçu par l’artiste comme un lieu de rassemblement. Outre Samito et Jacobus, il y fait entre autres appel au producteur Nom de Plume, au rappeur belge d’origine congolaise Baloji (Kuna Na Goma), au chanteur Poncho French (Let It Play) et au trio hip hop de Montréal The Posterz (Mami Wata). "La musique est quelque chose qu’il faut d’abord et avant tout partager. Je veux la partager avec le public, mais aussi avec mes collègues chanteurs ou musiciens. En spectacle, ça crée une bonne ambiance. Et c’est toujours bien de faire la fête sur scène avec ses amis !"
 
Après avoir présenté plusieurs performances dans des festivals canadiens, Pierre Kwenders se produira bientôt en France à l’occasion des Transmusicales. "La scène est devenue ma demeure !", lance-t-il avec enthousiasme, en concluant ce retour sur sa carrière encore brève, mais assurément prometteuse.

ParMarie-Hélène Mello