Affaire Chebeya: une seule peine d’emprisonnement et cinq acquittements

Vendredi 18 septembre 2015 - 13:00

Contrairement au premier degré, le colonel Daniel Mukalay condamné à 15 ans de prison tandis que d’autres policiers sont acquittés

La Haute Cour Militaire (HCM) siégeant au second degré en matière répressive et pénale en chambre foraine à la prison centrale de Makala, dans la commune de Selembao à Kinshasa a rendu son verdict dans l’affaire du double assassinat de deux défenseurs des droits de l’homme membres de l’Ongdh » La Voix des sans Voix pour les Droits de l’homme » (VSV), Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

Dans son verdict, la HCM a rendu un jugement bâclé en offrant un cadeau aux assassins de Chebeya et Bazana. Il s’est agi d’un procès au goût inachevé qui consacre l’impunité des auteurs du double assassinat de Chebeya et de Bazana.

Dans son prononcé, la HCM a condamné le colonel Daniel Mukalay wa Mateso à 15 ans de prison. Et pourtant, cet officier supérieur de la Police a joué un rôle de premier plan dans ce crime ayant couté la vie à ces braves défenseurs des droits de l’homme.

Au lieu de confirmer le prononcé du premier juge, la HCM a opéré son miracle en allégeant les peines de Mukalay. Et pourtant, cet ex-tout puissant 02 de la DGRSavait été condamné au premier degré à la peine capitale.

La Haute Cour militaire a condamné à 15 ans de réclusion criminelle le colonel Daniel Mukala et a acquitté un autre policier qui avait été condamné également à la peine capitale en 2011.

Parodie de justice, la HCM a acquitté quatre autres policiers impliqués dans cette affaire. Il s’agit de George Kitungwa, François Ngoy Mulongoy, Michel Mwila et Blaise Mandiangu Buleri.

Par ailleurs,la Haute Cour a maintenu la qualification d’assassinats pour ce double meurtre, mais a trouvé des circonstances atténuantes au colonel Mukalay et a ordonné la libération immédiate du capitaine Michel Mwila.

Les parties civiles n’attendaient pas grand-chose de ce qui sera dit par la HCM dans son verdict. Dans plusieurs, Maitres Jean Marie Kabengela Ilunga, Richard Bondo, André Marie Mwila, Stanislas Mwamba … ont soutenu que le meurtre de Chebeya et de Bazana constitue un crime d’Etat.

Un arrêt incompréhensible

» C’est une banalisation du crime d’État « , a réagi à la sortie de l’audience Me Richard Bondo, coordonnateur du collectif des avocats des parties civiles, qui a dénoncé un arrêt incompréhensible, innommable. » Nous allons nous pourvoir en cassation « , a-t-il ajouté.

Pour ces avocats, le verdict de la Haute Cour Militaire dans cette affaire du double assassinat de Chebeya et Bazana n’est pas une surprise.

Comme ils ont épuisé toutes les voies de recours au niveau interne, leur espoir repose sur le mécanisme régional ou international comme la Commission Africaine des Droits de l’homme et des Peuples (CADHP)pour que la vérité sur les circonstances réelles du double assassinat de ces deux défenseurs des droits de l’homme éclate un jour.

Rappel des faits

Convoqué le 1er juin 2010 par le général John Numbi Banza Tambo, inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC) de l’époque, Floribert Chebeya avait été retrouvé sans vie le 2 juin 2010 au matin dans son véhicule, tandis que Fidèle Bazana est toujours porté disparu.

A l’issue d’un procès marqué par de nombreux incidents, la Cour militaire de Kinshasa reconnaît, le 23 juin 2011, la responsabilité civile de l’État congolais dans l’assassinat de Chebeya ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de Bazana par plusieurs de ses agents et condamne 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité.

Trois des condamnés à mort sont toujours en fuite, et trois policiers dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés.

Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, se déclare incompétente pour instruire des questions procédurales et décide de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui a suspendu de fait la procédure judiciaire d’appel.

Le 21 avril 2015, après près de deux ans d’interruption, le procès en appel a repris devant la Haute cour militaire.En première instance comme en appel, aucune procédure judiciaire n’a été engagée par les autorités congolaises pour instruire le rôle joué par le général John Numbi, qui a depuis été remplacé à la tête de la police nationale, malgré l’existence des preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs.

Par Godé Kalonji Mukendi